Carnets de voyage
Prague et moi
Voyage du jeudi 20 juin au vendredi 28 juin 2013
Jeudi 20 juin
Après un embarquement stressant (jamais vu un si petit endroit contenir autant de râleurs), me voici enfin dans l’avion avec un peu de retard. C’est la première fois que je voyage seule de A à Z. Il y a deux mois, je trouvais que c’était une super bonne idée : ça fait aventurière, liberté, indépendance et tout le tralala. Maintenant, je me demande si ça ne fait pas plutôt totalement timbrée, si je ne vais pas me faire assassinée, violée… Mais bon, pour le moment, j’espère juste que la place 31C de ce vol AF 1982 Air France ne sera pas le lieu de ma mort…
Le pire, c’est que j’ai DÉJÀ les oreilles bouchées avant le décollage. Mes voisins, coté hublot, dorment la fenêtre fermée. GÂCHIS !
17h30 : Enfin installée à l’hôtel. Après un vol sans histoires dans le confort de l’air conditionné, le retour à l’air libre a été très… « chaleureux ». Il fait au moins 140 degrés…
Le système de bus ne semble pas compliqué. Vous payez à l’heure et à la zone. Mon hôtel se trouve dans le sixième arrondissement, un quartier ombragé qui semble assez paisible. L’hôtel, par contre, fait très aventurier… Enfin, si l’on considère qu’être accueillie pas un mec en slip fait partie de l’aventure… Hum, mon premier contact avec le peuple tchèque a été très… intime, je crois. L’état de délabrement des parties communes fait peur à voir, mais, à ma grande surprise, ma chambre et la salle de bain sont plus que correctes. En tout cas, elles sont en meilleur état que ma chambre d’étudiante…
19h30 : Mon premier contact avec la ville. Après avoir bataillé avec les noms imprononçable des rues (Djevika, Djevika,mais elles s’appellent toutes Djevika ?!) et après avoir arrêté de parler la langue de Kafka, j’ai fini par me laisser marcher au hasard. Mes pas m’ont menée au château, par les jardins. D’un coté, ce dernier est tellement ÉNORME qu’il est très difficile de le louper. La ville est très paisible, tellement calme que je me demande si l’avion ne m’a pas définitivement bouché les oreilles. On n’entend aucun bruit de klaxon et pourtant, il y a des voitures !
Je dîne dans un café dans les jardins sous le château. C’est un endroit charmant, fleuri de roses multicolores. De ma table, j’ai une vue magnifique sur Prague. Une bonne façon de rentrer en contact, elle et moi. Et l’endroit est aéré, à l’abri de cette chaleur qui étouffe la ville ce soir.
Un détail attire mon attention. J’aperçois, bien plus bas, au creux de ce qui ressemble à un jardin, des étranges statues ressemblant aux tas de boue dégoulinants que nous formions avec du sable mouillé sur la plage étant enfants, mon frère et moi. Déjà un aperçu des « mystères de Prague » ?
A 19h, le château et ses jardins ne reçoivent plus beaucoup de touristes. C’est l’heure des écureuils et les lecteurs solitaires allongés sur les bancs. J’ai déjà bu deux bières :les serveurs ont la manie, heureuse ou malheureuse, de vous en proposer une nouvelle dès que vous finissez la votre et les bières ont la manie d’être peu chères et très bonnes (les meilleures du monde, selon les Tchèques). On sent bien le goût de l’orge, je trouve.
Le château est immense. En fait, je crois qu’il s’agit plus d’un amoncellement de petits châteaux que d’un seul et même bâtiment. Il ne semble pas y avoir beaucoup de cohérence dans son architecture et l’on passe de grandes cours ordonnancées à de petites ruelles colorées. Je suis tombée sur la cathédrales Saint Vitus (alias Saint Guy) au hasard de l’une de ces cours. Elle m’a presque prise par surprise : je la voyais de loin, mais une fois pénétré les hauts murs du château, elle disparaît au regard pour resurgir brusquement passé un porche. Se promener dans un espace aussi imposant et vide de toute vie humaine est impressionnant. Je finis par me demander ‘il n’y a pas un virus qui a décimé 90 %des touristes.
En tout car, la serveuse du Garden coffee, fournisseur de mon dîner, m’a sûrement prise pour un agent du Guide du Routard.Ou alors elle est juste très sympa, avec son anglais approximatif mêlé de tchèque.
Vendredi 21 juin
Levée à 9h. Oui, j’ai décidée de ne pas me presser. Après une nuit éprouvante à rêver que des étrangers venaient squatter ma chambre, je me prépare pour le château. Je m’entraîne à répéter cette phrase : « Promiňte, Nemluvím cesky,mluvís anglickyi ? » (« Excusez moi, je ne parle pas tchèque. Parlez-vous anglais ? » : oui, j’ai laissé au vestiaire mes espoirs de parler la langue de Molière) en me demandant comment cette phrase peut être prononçable.
9h30 : Phrase imprononçable = déjà utilisée. Je prends un billet accompagné d’un audioguide (cher, mais je ne m’en suis pas rendue compte tout de suite, dur de faire la conversion euro couronnes pour commencer) pour la visite du château. Je suis tout d’abord très impressionnée par cet énorme fossé que l’on nomme le fossé aux cerfs au fond duquel coule une petite rivière.Il donne l’impression que la ville se termine ici et que le château est coupé du reste, surtout lorsque l’on vient du sixième arrondissement. Tomber sur ce grand espace tout vert qui sent la terre mouillée au milieu de la ville, c’est vraiment étrange. Le guide m’apprend qu’il a fallu combler un fossé tel celui-ci pour construire l’une des places. Respect. Le drapeau et la devise de la République tchèque (« La vérité vient ») flotte sur le toit de la sainte chapelle, ce qui signifie que le président est bien dans le pays. Chouette.
Je fais une pause pour manger vers midi. Le château est vraiment très grand et, grâce à mon ami l’audioguide, je commence à découvrir l’histoire des rois et des reines de Bohème, même si je m’emmêle encore avec Saint Vladislas, Saint Ludmilla, Charles IV et tous leurs poteaux. La cathédrale Sainte Vitus est éblouissante de richesse. Le plus impressionnant : un imposant hôtel en argent, flanqué de son armée de gardes à l’air patibulaire (mon conseil : ne stationnez pas devant, ils sont pas du genre sympa). J’ai également un coup de cœur pour un magnifique vitrail signé… Mucha !
Car oui, même si la construction a commencé au XIVe siècle, elle ne s’est terminée qu’au XXe ! Soit six siècles de travaux. Quand je pense que mes parents se plaignent de leurs travaux de deux semaines pour changer le toit de la maison… Mais hélas, nous n’avons pas les vitres du séjour barbouillées par Mucha, nous. À dire vrai, Mucha est l’une des raisons de ma visite à Prague. C’est l’un de mes peintres préférés. J’ai toujours aimé ses nymphes diaphanes aux cheveux volubiles, les regards des personnages, les ornements floraux et mêmes les formes en général. J’ai une reproduction d’un de ses tableaux dans ma chambre, un souvenir de mes années d’histoire de l’art à l’université.
Midi est l’heure de la relève de la garde, en musique. La relève a lieu toute les heures, mais à midi, on sort les trompettes et les tambours. C’est… euh… authentique ?
Après avoir monté les 287 marches de la tour de la poudre (selon le guide, j’ai pas vérifié), je découvre une grosse cloche (non,ce n’était pas un miroir) et la vue la plus haute de Prague.
Coup de cœur pour la très colorée Ruelle d'or, aux petites maisons collées aux remparts, dont les greniers servent de musée d'armes anciennes. C'est tout propret et bigarré, on se croirait en Irlande.
Je termine la visite du château à 15 heures. Je me mélange moins entre les Habsbourg, les Přemyslides et tout le toutim. J’ai l’impression d’être dans un mélange de Tintin et le sceptre d’Ottokar (y’a même un roi nommé Ottokar...) et Game of Thrones (assassinats, alliances, torture et défenestration :hummm...). En descendant du château par les jardins et les vignes du roi Vanceslas, j’arrive sur une petite plage au bord de la Vlat...Vlata... Valtav... de la rivière. La horde de cygnes et les saules pleureurs contribuent à donner une ambiance romantique au pont Charles.
17h : Perdue à Malá Strana en pensant être à Stare Mestro(le quartier en bas du château, voir plan au début de l’article). M’enfin, mes errances m’ont permise de tomber sur le palais de l’ordre de Malte et sur le fameux mur John Lennon. D’ailleurs, rien que pour cette réflexion d’une touriste française, ça valait le coup de se perdre : « Quelle honte, tout ces graffitis ! ». Lorsque l’on sait que ce mur est l’un des symboles de la liberté d’expression, ouvert aux peintres de tout poil après la mort de John Lennon, ça porte plutôt à rire.
Les inscriptions sont en toutes les langues, témoignant surtout du passage de touristes de multiples horizons : anglais, allemand, russe, espagnol,français... D’ailleurs, en deux jours, j’ai été amenée à parler tchèque, français, anglais et même espagnol ! En tout cas, la météo se touche avec son « risque de tempêtes -orages » car les rares petits-mignons nuages blancs que l’on aperçoit ne semblent guère annonciateurs d’apocalypse.
Après avoir finalement traverser le pont Charles (bourré ras la gueule de touristes et de vendeurs attrape-touristes, mais bon, c’est le pont Charles, alors émotion, quoi), me voici dans la vieille ville (Stare Mestro, enfin !), après avoir longé la célèbre rue Karlova. Ce quartier est fait d’une multitudes de petites rues piétonnes, de venelles et de passages couvert. On n’y entend aucune voiture. Par contre, tout les monuments à visiter ferment à 17h, soit super tôt. De toute façon, sans vouloir être pessimiste, autant profiter de cette journée inopinée de beau temps pour visiter les rues de la ville. Après avoir mangé une glace dans un petit bistro, j’escalade la tour du pont Charles, qui donne une vue sympa sur Mala Strana,surtout à l’heure où le coucher de soleil allonge les ombres et colore l’eau et la pierre en jaune orangé.
23h : Après avoir mangé et picolé près du pont, j’écoute sur la très jolie place Na Kampé des groupes de musique de rue, fête de la musique oblige. La place est éclairée par les vendeurs de rue, ça sent la grillade, la fumée et la bière. Bon, par contre, je crois que mon premier contact avec la bouffe tchèque a été un peu belliqueux : mon "bramborové placky se šunkou asýrem" et moi, on a pas fait bon ménage : pas pu le finir, une moitié a fini dans une poubelle et l’autre est redescendu par la voie naturelle. Un peu trop vite d’ailleurs. Les toilettes publiques peuvent témoigner, les pauvres. Faut dire que j’ai acheté ça sur un stand dressé pour la fête. Mais bon, on est aventurier ou on ne l’est pas. Et ce soir, la dame pipi de Na Kampé peut le dire : Indiana Jones ne m’arrive même pas à la cheville.
Samedi 22 juin
Deux bêtises, ce matin. La première : décider de rallier Josefov (le quartier juif) à pieds (il fait beau). Gagné : une heure de marche et une jolie ampoule. Conclusion : le métro, c’est quand même une belle invention. Deuxième : vouloir visiter le quartier juif un samedi. Hum... Shabbat ? C’est quoi ?
Finalement, je suis sur la place de la vieille ville. J’apprends qu’il n’existe pas de plan des bus et des tramways (pourtant très nombreux). Quand on est touriste, à Prague, ON MARCHE ET ON FERME SA GUEULE ! La place de la vieille ville est très jolie, avec des façades mélangeant style architecturaux variés et couleurs vives : bleu, jaune, vert, et un très joli pourpre pour la maison de l’hôtel de ville. A certains endroits, on se croierait à Disneyland, au milieu des maisons aux couleurs pastel, donnant l'impression d'être repeintes tout les ans tellement elles étincellent de propreté. Après être montée à la tour collée à cette dernière, je regarde l’horloge astronomique sonner midi. C’est un véritable spectacle, avec le défilé des apôtres, le coq qui chante et le rassurant squelette sonnant le glas (memento mori !). Au Starbucks (oui, au Starbucks, laissez moi digérer le traumatisme d’hier soir), je suis renommée "Lucě". Cool.
14h30 : J’attends à la terrasse d’un café (bière, bien sûr) la visite de la maison municipale. Après un tour dans le
quartier « art nouveau », j’ai visité le musée Mucha, où j’ai appris que ce peintre n’était pas roumain mais tchèque (honte). Par contre, j’ai reçu avec plaisir la confirmation que son nom se prononce MOURA. Des années à me faire reprendre sur la prononciation de son nom alors que J’AVAIS RAISON ! Par contre, je suis plutôt déçue du musée. Je préfère voir les œuvres de l’artiste « dans leur contexte ». C’est d’ailleurs bien pour cela que j’attends cette fameuse visite de la maison municipale (sur réservation, montrer patte blanche avant de rentrer, d’ailleurs).
Un mot sur la bière tchèque : bonnes, pas chères et peu chargées en alcool (idéal pour des petits fois comme le mien), elles sont souvent servies avec des tonnes de mousse, ce qui est assez chiant.
14h45 : J’ai dit que la bière était peu chargée en alcool ? J’ai rien dit. Elle va être rigolote, la visite...
15h30 : Après avoir faillie être adoptée par un couple de Québecois (réduction pour les familles, vous comprenez) et m’être remise de ma bière (honte bis), me voici à la maison municipale. Le plus impressionnant est l’immense salle (897m²) Smetana (un compositeur tchèque), complètement décorée façon art nouveau. Dans le même genre(« that what for what you came » cf, ma guide franco-anglophone : j'adore le cynisme tchèque), la salle du maire décorée par Mucha (ma guide me dit que toutes les prononciations sont possibles) est très impressionnante. Surtout le regard de cet homme à l'épée qui surplombe la salle : glaçant. J’aime particulièrement la statue du moine mangeant une cuisse de poulet sur la tour poudrière voisine, vue d’une fenêtre de la maison. Au milieu des rois et des reines, elle est là pour rappeler aux puissants l’existence des gens simples.
16h30 : Après avoir terminé la visite de la maison municipale, me voici dans l’église Notre-Dame de Týn, alias « ChrámMatky Boží před Týnem ». Je ne sais absolument pas pourquoi les lieux changent de noms selon les guides. Avec la cathédrale Saint Guy qui passe de Saint Vitus à Saint Vit et la difficulté de la prononciation tchèque (allez, je ne vous en veux pas pour Mucha), y’a vraiment de quoi se prendre la tête.
Depuis le début de mon séjour, je suis impressionnée par la richesse des monuments religieux, allègrement parés de dorures.Cependant, cette église est assez simple : absence de vitraux(ou juste un ou deux, rien de transcendant), murs blancs... Tout cela la rend très lumineuse et fait ressortir les ornements dorés des autels.
Sur la place de la vieille ville, on trouve beaucoup de gens bourrés, des artistes de rue et des magasins appelés « bric à brac » qui méritent bien leur nom :
Et encore, là, j'ai augmenté la luminosité, en réalité, c'est un univers bien plus sombre et inquiétant, habité par des poupées au regard inquiétant et par des chiens de faïence attendant pour l'éternité un maitre qui ne reviendra jamais...
Finalement, il y a plus d’œuvres de Mucha à l’expo temporaire de la galerie U Bílého jednorožce qu’au musée Mucha lui-même. Moi qui n’avait jamais vu d’originaux de lui (à part les petites assiettes publicitaires du grand père d’une amie à ma mère), je suis servie.
19h30 : Je dîne dans un petit resto dans la vielle ville. Une pizza, je ne prend pas de risque.
21h30 : Je regarde le coucher de soleil sur le pont Charles et la cathédrale Saint Vitus-Guy. De nombreux photographes sont là, apportant, à mesure que le soleil disparaît, des pieds et des objectifs de plus en plus gros. Une fois la nuit tombée, on peut se promener dans le quartier de Mala Strana. Il revêt une totale atmosphère de mystère, comme si l’on allait croiser un de ces alchimistes au coin d’une rue.
Dimanche 23 juin
Ce matin, je me suis réveillée avec une petite déprime. Alors j’ai eu la « bonne » idée d’aller visiter le quartier juif, en commençant par le cimetière et la synagogue Pinkas. Je n’étais jamais entrée dans une synagogue avant mais ma première rencontre a été très forte émotivement : les murs peints en blanc sont totalement recouverts par les noms des 77 297 victimes du camps de Terezin où ont été envoyés les juifs du ghetto de Prague. À l’étage,l’exposition de dessins d’enfants déportés m’achève, j’ai franchement envie de pleurer. Je me demande d’ailleurs si je suis la seule. Pour la remontée de moral, on repassera.
J’ai de la chance, visiblement. On me dépeignait sur Internet des hordes de touristes se bousculant dans ce cimetière,vociférants... J’ai été plutôt épargnée. Bien sûr, on ne peut pas se promener dans les allées et il y a un chemin obligatoire à prendre, mais c’est plutôt pas plus mal vis-à-vis de la tranquillité du site. Le cimetière est complètement enclavé par de hauts murs, suivi des façades des bâtiments aux alentours. De plus, avec le feuillage des arbres cachant le ciel, on se sent vraiment coupé du monde... Jusqu’à ce qu’un groupe de touristes allemands viennent troubler cette quiétude.
Dans la synagogue Klausen, on trouve tout un tas d’objets hétéroclites de la vie religieuse et quotidienne des juifs de Prague. Selon une légende, les nazis auraient récupéré ces objets après avoir envoyer la communauté juive à Terezin pour fonder un« musée d’une race disparue »... Et allez, dans lajoie !
12h30 : Une pizza et une bière dans une jolie cave voûtée me remettent d’aplomb. Une anecdote sur les caves de Prague : au Moyen Âge, il s’agissait de rez de chaussée, d’où la présence de voûtes romanes dans une ville à l’architecture en majorité gothique. Le niveau de la ville a été augmenté pour pallier aux problèmes d’inondations. Au vu de la montée de la rivière ces dernières semaines, les Pragois vont ils gagner un nouveau sous-sol pour chacun de leurs bâtiments ?
Après quelques synagogues, je visite la dernière et sûrement la plus belle : la synagogue espagnole. Complètement parée d’arabesques entrelacés du sol au plafond, ce bâtiment à l’aspect mauresque est sûrement le clou du quartier juif avec le cimetière. En tout cas, cette synagogue n’a rien à envier au faste des églises de la ville.
Alors que je repose mes pieds comme une grosse limace feignasse en admirant la somptuosité du lieu, voila qu’un visage connu passe devant moi. Drôle de hasard que de tomber sur une ancienne tutrice de stage, devenue copine, si loin de Conflans Sainte-Honorine ! Nous élaborons une théorie comme quoi on peut rencontrer des Conflanais partout. À quand la conquête du monde ? Sylvie et son mari me font donc partager leurs connaissances en matière de pâtisserie juive dans un très joli restaurant en face du cimetière : Au Roi Salomon. Nous y dégustons un délicieux apple strudel dans une sorte de jardin d’hiver, aux murs végétaux surplombés d’une verrière. Selon une affiche à l’entrée, Michelle Obama y aurait déjeuné. Que demander de plus ?
Au bord de la Vltava, que j’arrive enfin à prononcer correctement, nous dénichons une péniche qui accepte de nous prendre pour une croisière passé 17h. Ça fait un peu touriste,mais bon, j’ai carrément mal aux pieds, alors... C’est la péniche la moins chère, mais les bateliers font un peu peur : l’un est couvert de cambouis et l’autre est défiguré par une cicatrice. Je prie pour que l’on ne nous égorge pas.
Finalement, nous sommes rejoints pas un groupe de français plutôt« 3e âge" qui effraient Sylvie, retraitée l’année prochaine (« Je ne serai pas comme ça, moi ? »). Il s’agit en fait d’un groupe ayant loué le bateau entier, nous ne sommes que des « à coté » ajoutés par l’équipage pour arrondir sa fin de mois. Heureusement, le guide est sympa et nous laisse embarquer. C’est un Pragois cynique et désabusé face à l’attitude des touristes : « ils ne regardent même pas, ils ne font que passer ! ». Il nous raconte que, pendant son enfance, il avait connu le pont Charles sans personne. Il craint que la ville perde son âme face au tourisme de masse. Néanmoins, il nous dit gagner sa vie grâce à sa francophonie (« il n’y a que ça qui me fasse vivre ») qui lui permet de travailler dans le tourisme. Ce paradoxe semble le désoler et j’ai presque honte d’être en voyage ici. Mais bon, j’essaie d’être différente, de ne pas faire « que passer », d’être curieuse et d’écouter ses explications malgré le groupe d’accordéonistes qui massacrent les classiques de la chanson française. D’ailleurs, en parlant d’accordéon, je croyais naïvement, en accostant, avoir échappé au pire lorsque, comble du kistch, le groupe entame Ce n’est qu’un au revoir. Courage, fuyons.
À deux pas de l’embarcadère se trouve le Rudolphinium, une salle de concert datant du XIXe siècle. Voir un spectacle dans la fastueuse salle Dvorack est, selon mon fidèle Guide du Routard, quelque chose à ne pas manquer. Le programme de ce soir : Mozart, Tchaikowsky, un compositeur que je ne connais pas et bien sûr... Dvorack. Il s’agit d’un orchestre américain (californien). En voyant les artistes, nous sommes surpris : ce sont tous des enfants ou des adolescents ! Une vieille dame, nous écoutant parler, nous dit aimer notre langage. C’est une vielle Pragoise très élégante. D’ailleurs, tout le monde est bien habillé, j’ai l’air d’une clodo avec mes fringues H&M. On dirait que toute la bourgeoisie de la ville est venue. La vieille dame semble même s’étonner (agréablement) de notre présence en tant que touristes. Pourtant, le guide disait « Venez comme vous êtes! ». Mais visiblement, le Rudolphinium, c’est pas Mcdo. J’ai la deuxième surprise de la soirée au commencement du concert : en fait, ces gosses sont très très bons. En tout cas, ils dégagent une énergie qu’un orchestre d’adultes n’aurait peut-être pas. Belle prise de risques car jouer Dvorak au Rudolphinium de Prague, dans la salle Dvorak pour un orchestre d’enfants étrangers, et ben c’était drôlement culotté. Au final, cette prise de risques est saluée par un tonnerre d’applaudissement et par une standing ovation. J’entends même quelques « Brava ! »
Bon, la photo est moche car je l'ai prise en cachette, mais avouez que ça en jette, non ?
En conclusion, j’ai vécue une journée riche en rencontres, des visages familiers au cynisme du guide en passant par le regard malicieux de cette vieille dame.
Lundi 24 juin
Ce matin, je décide de remonter la place Venceslas (VaclavskeNamesti) puis de suivre la rue Narodni pour rejoindre le quai Masarykovo et ses maisons baroques et dansantes.
Les grandes artères que forment la place Venceslas (plus unesorte de Champs Élysées praguois qu’une véritable place) et la rue Nadroni contrastent avec les rues et les ruelles et j’ai traversé pour le moment. Nous sommes dans "Nove Mestro",la "nouvelle ville". Pas si nouvelle que ça parce qu’en fait, elle date du XVIe siècle !
Sur la place Venceslas, je trouve un petit passage couvert de type Art Déco dans laquelle je fais une découverte pour le moins insolite : une statue du fameux saint chevauchant à l’envers un cheval mort... Après la statue de Kafka, je me met à penser que Prague est vraiment la ville de l’absurde.
Pas de chance, alors que je me repose sur l’île Slovansky Ostrov, en face du quai Maryskovo, la pluie annoncée et tant redoutée commence à se manifester. Pour le moment, pas de quoi fouetter un chat, mais bon... Au bout de ce quai aux maisons couleur pastel et aux façades ornées de mosaïques dorées se trouvent les stars des cartes postales : Ginger et Fred, alias les maisons dansantes, des architectes Franck Gehry et Vlado Milunić. Comme le disait le magazine Times lors de la finition du bâtiment,« cette réalisation symbolise la nouvelle Prague, tout comme le pont Charles symbolise l’ancienne : à l’image de Fred,elle bouge bien ; à l’instar de Ginger, elle s’amuse bien. » Et j’aime bien le spectacle joyeux des maisons batifolants joyeusement dans le paysage urbain.
Sur un mur, je croise du regard cette formidable affiche pour le musée du communisme. La pluie ayant décidé de ne pas me foutre la paix aujourd’hui, je me dis que c’est vraiment le bon moment pour aller voir ce qui se cache derrière cette matriochka à l’air maléfique (j’aurais bien aimé récupérer l’affiche pour ma chambre !). Enfin au sec, je découvre un petit endroit à la muséographie impressionnante remplie d’informations intéressantes sur une période de l’histoire qu’au final, je connais très peu.
Sans concessions pour le communisme (ce qui peut se comprendre,mais un peu trop pro-américain ?), il a eu le mérite de me faire réfléchir. En tout cas, j’ai appris pas mal de choses sur le printemps de Prague et les soulèvements de novembre 89, ce qui termine à merveille ma visite de la place Vanceslas. J’ai beaufouiller ma mémoire, à part la chute du mur de Berlin, aucun cours d’histoire ne fait écho à cette période de l’Europe de l’est. L’accueil est impressionnant, notamment cette grande statue de Lénine sous une énorme étoile rouge en béton très imposante, écrasante. Le ton des cartels contient cette petite touche de cynisme qui commence à m’être familier ici. L’histoire la plus folle : celle d’une statue monumentale de Lénine dominant Prague, censée pouvoir être vue de toute la ville : cinq ans de construction, beaucoup d’argent public employé pour cela au détriment de la reconstruction du centre historique, détruite cinq ans après ! Un beau gâchis, quoi.
Avec dans la tête la musique du petit film qui termine la visite du musée du communiste, je brave à nouveau les éléments déchaînés, alors que tous les touristes se précipitent dans le confort douillet de leurs hôtels (bandes de pas-aventuriers !). Bon, étant donné l’état de mes petites sandales gonflées d’eau, je décide de rentrer dans le premier bâtiment venu. Par chance, il s’agit du Clementinium, dont j’avais eue un très bel aperçu de la magnifique bibliothèque avant mon voyage sur le tumblrhttp://mostwonderfullibraries.tumblr.com/. À l’entrée, les ouvreurs sont pris d’une violente crise de rire à la vue de ma carte d’étudiant. Je ne comprend absolument pas, j’ai pourtant pas l’air si moche que ça, sur la photo. À moins que mon nom ne se traduise par une insanité dans la langue de Kafka ? En tout cas, pas moyen de connaître la raison de leur hilarité. Pour le respect,on repassera.
Pour la visite, nous ne sommes que trois : moi plus un couple de Québécois homosexuels. À croire que la ville est peuplée de Québécois. Ils sont aussi déprimés que moi par le temps et me conseillent une église près du pont Charles pour voir un concert d’orgues. Le guide nous a laissés seuls dans la chapelle aux miroirs. Drôle d’impression que cette grande salle vide de monde, habitée surtout par les statues (baroques, bien sûr) et les personnages des tableaux. Je ne suis pas déçue non plus par la bibliothèque, très spectaculaire, avec une mention spéciale pour les globes terrestres géants.
Les escaliers menant à la tour astronomique sont flippants, j’ai cru mourir au moins dix fois, notamment lors de la descente. Il pleut comme vache qui fait pipi et j’ai les chaussures mouillées...
L’avantage à Prague, c’est que même lorsque le temps n’est pas à la fête, le couleurs et la lumière restent toujours au top. Je dirais même que les nuages noirs et la pluie renforcent le coté sombre et mystérieux de la ville. Manquerait plus que deux ou trois éclairs et je verrai le golem se lever.
Je termine la journée dans un petit salon de thé cosy qui vend du délicieux chocolat au cannabis. Oui, au début, ça me choquait puis je me suis vite rappelée que sa consommation était carrément tolérée ici. Cette ville est merveilleuse. Étant donné sa consistance, le cheesecake que je déguste dans un fauteuil profond en écoutant la pluie battre les pavés de Mare Streno me servira de repas du soir.
Mardi 25 juin
8h30 : Participation au sport national de l’hôtel-des-pauvres : éviter la femme de ménage quand on sort faire pipi dans un pyjima Che Guevara (le musée du communisme a laissé des traces : j’ai honte...). Ah sinon, je ne vous ai pas dit ? Il pleut.
10h10 : J’embarque pour Karlstejn en train, à environ 40 km de la capitale. On m’a vendu ce château comme l’un des plus beaux,des mieux conservés, des plus romantique et surtout des plus touristiques de la Bohème (oui, la Bohèèèèmeuh).
Il pleut toujours mais tant pis, je me dis qu’il y aura moins de touristes comme ça. Le système des trains est très clair (merci České dráhy, très utile site pour connaître les horaires, à condition d’être armé d’un traducteur à coté). Pas besoin de composter le billet ! Il y a un contrôleur par train pour s’en occuper ! Moi qui voyais, de façon un peu condescendante, la République tchèque comme limite un pays du tiers monde, je découvre de plus en plus une république moderne et surtout plutôt riche. Je comprends le respect qu’éprouvent les Tchèques pour Vaclav Havel à présent.
Pour aller de la gare au château, pas de secret, il faut marcher quelques kilomètres. Au bout d’une petite route bordée de nombreux magasins-touristes, me voici en haut de la colline, au château de Karlstejn. Il pleut toujours, mais ça fait du bien de sentir l’odeur de la terre mouillée. Un peu de campagne après la ville ! Je ne sais pas si Prague est très polluée, mais bon, comme toutes les villes, elle sent mauvais (quoique plus propre que Paris ou New York !). Je n’ai pas vu beaucoup de touristes en montant, mais là, en attentant la visite guidée (en anglais, comme d’hab), ils s’agglutinent tous sous le porche pour se protéger de la pluie. On dirait des poulets.
Le château est entouré de collines verdoyantes. Malgré un très bon état de conservation, il est presque vide. Il est dommage que la chapelle ne se visite pas : selon le guide, les murs sont incrustés de pierres semi précieuses (raison pour laquelle elle ne se visite pas, d’ailleurs : les gens emportaient de « petits souvenirs »...). Pendant la visite, j’apprends que Karlstejn a été construit pas Charles IV (encore lui) pour protéger les trésors de la couronne quand brusquement, c’est l’illumination :
KARLSTEJN = KARLOFF (most, le fameux pont) = CHARLES
IL EST PARTOUT !
Le trousseau de lourdes clés de fer de la guide me fait rêver de passages secrets et de souterrains. En attendant qu’un jour on m’ouvre les portes des endroits cachés dans les bâtiments historiques, je me contente de suivre le morne troupeau de la frustrante visite guidée.
Je quitte le village vers 14 heures, en passant par un sentier qui m’épargne les touristes (joie !). En discutant avec un monsieur, j’apprends qu’il n’existe pas de mots en tchèque pour « de rien ». À la place, ils disent « prosim » (pardon). En fait, ils s’excusent du fait qu’on leur disent merci. Strange...
Retour à Prague où il pleut toujours. Le musée d’art moderne, assez excentré au milieu de Praha 7, accueille les visiteurs avec des matelas dans son hall. Bonheur.
Par contre, il est bourré ras la gueule de gardiens. Étant donnée que les visiteurs ne sont pas nombreux (étonnant, d’ailleurs: y’a du Klimt, Miro, Mucha et beaucoup d’autre grands noms), ils nous collent au trains et nous regardent comme si on avait des bombes dans notre sac. D’ailleurs, pour une raison obscure, on ne peut pas porter son sac à dos sur le dos... ??? WHY ???
17h : Rah, ces gardiens sont vraiment très CHIANTS à te stalker, ça t’empêcherait presque d’apprécier un Delacroix....
Ce qui est marrant quand on est Parisien ou banlieusard, c’est que tu peux aller dans n’importe quel pays du monde, il y aura toujours un musée pour exposer des toiles impressionnistes représentant ta région (Cergy Pontoise pour moi). En tout cas, je suis impressionnée par les collections. Être totalement seule entourée de portraits de Picasso te dévisageant, c’est vraiment étrange.
Par contre, je ne connais pas beaucoup les artistes tchèques, mais certains ont l’air d’avoir de gros problèmes à régler dans leurs têtes...
19h : Je tente le goulash dans une brasserie tchèque, accompagné d’un appel schtroudel (ces trucs sont mégas bons, en fait).
J’ai pas mal réfléchi à la conversation que nous avons eue avec le guide sur le bateau à propos de « l’âme » de la ville. C’est vrai que, même en tant qu’étrangère, je peux le ressentir. Ce n’est pas difficile, même en voyageant seule, en essayant d’adopter un regard respectueux sur les gens et les choses, en essayant par exemple d’aborder les habitants dans leur langue plutôt qu’en anglais, même si ce n’est que pour leur demander « Mluvis anglicky ? », en tant que touriste, on est traité comme le reste du troupeau : paye ta visite, dépense tes euros dans nos souvenirs moches et tire-toi. Je me demande qui est le plus coupable et surtout s’il a vraiment un coupable. Que l’on vienne seul, en amoureux, entre amis ou en troupeau, le fait de voyager montre une certaine curiosité et une certaine ouverture sur le monde. Que cherche-t-on en visitant une ville comme Prague ? La culture, le romantisme, une autre vision du monde, une humanité différente. Est-ce vraiment à blâmer ? En face, on a les autochtones qui, en voyant l’arrivée des étrangers, choisissent d’en profiter pour gagner leur vie, ce qu’on ne peut pas leur reprocher. Alors que faire contre le tourisme de masse qui défigure les villes ?
20h : finalement, le goulash, c’est bon. Je décide d’aller voir ce concert d’orgue à l’église Saint François d’Assise près du pont Charles, conseillé par les Canadiens de la veille. Là encore, débauche baroque de dorures, de statues d’angelots joufflus... Petit détail bien macabre : les squelettes des nobles tous habillés exposés dans un cercueil de verre. Berk.
Le concert commence avec seulement trois instruments: un orgue badass de plusieurs mètres de haut (ouaaaahhhh), accompagné d’une toute petite flûte traversière et d’une chanteuse alto. Je me pose une question : faut-il absolument être bien en chair pour chanter du classique ? Le programme est assez sympa : des grands noms (dont Dvorak, bien sûr !), mais pas de compositions trop célèbres archi rabâchées. L’architecture du lieu accompagne à merveille la musique, les anges semblent aider les notes à monter jusqu’aux cieux. Il y a de quoi se sentir impressionné. Même si le lieu est moins imposant que le Rudolphinium, c’est agréable d’être là, en dilettante.
Mercredi 26 juin
5h : Aube sur le pont Charles, pas un seul touriste...
...
Non, je déconne.
11h: (ben quoi ? Fatiguée...) Promenade dans Hradcany, les hauteurs de Prague, une des plus anciennes parties de la ville. J’ai un véritable coup de cœur pour la très jolie église Notre Dame de Lorette (rien avoir avec l’histoire de l’aéroport), avec son magnifique cloître aux plafonds peints de couleurs vives, ses fresques, ses dorures et ses statues de marbre. Sans compter l’impressionnante salle au trésor, contenant un ostensoir tout en diamants ! Les bouteilles au plafond m’intriguent. Selon une dame, c’est une idée de l’architecte qui a aménagé le trésor. Je comprend à demi mot que ce n’est pas au goût de tous.
Encore une fois, l’attitude des gens travaillant là me fait déprimer. Il n’y a pourtant pas beaucoup de touristes, mais le fait qu’ils causent mal anglais et moi pas tchèque les empêche visiblement d’être aimables. Les gens ne sont pas comme ça dans tous les endroits visitables, heureusement, mais durant ce voyage, j’ai souvent eu l’impression d’être prise pour une vache, souvent traitée comme du bétail : si je refuse de payer un vestiaire pour un mini sac, on me harcèle, il faut parfois payer plus de cent couronnes pour juste avoir le droit de prendre des photos : payer, payer, payer... Ce ne sont pas les visiteurs qui dénudent Prague de son âme : c’est l’argent. Même un chat mignon me griffe alors que je cherche à le caresser.
Bon, cinq minutes plus tard, je regrette ce que je viens décrire devant la gentillesse d’une dame qui répond à l’une de mes questions.
À midi, je mange dans une brasserie traditionnelle aux grosses tables de bois brut. Je ne me plaindrai plus jamais des crêpes parisiennes après avoir mangé les crêpes tchèques... Je pense qu’ils les assaisonnent avec du plastique. J’ai également goutté le schnitzel, une spécialité juive : bof. Bref, si vous passez à Prague, ce resto « Ve Staré Radnici » près du château,sachez que c’est PAS BON et CHER. Et le service confirme ce que j’ai dit plus haut. (voilà, ce fut ma petite revanche ridicule).
Au final, je suis redescendue à Na Kampa, une île de la Vltava coté Mala Strana par la colline de Pétrin, en passant par les hauteurs (glauques) de Prague 6, à la recherche d’un couvent que jamais je ne trouva (par contre, j’ai trouvé un incroyable stade abandonné qui a fait mon bonheur).
La colline de Pétrin qui domine la ville constitue une véritable parenthèse de verdure et de calme au milieu de la ville. C’est agréable cette pause humaine. Le monument le plus célèbre du coin est une sorte de tour servant de relais téléphonique qui ressemble traits pour traits à la tour Eiffel. D’ailleurs, à ce qu'il paraît, elles font la même taille par rapport au niveau de la mer. Voir la tour Eiffel en pleine forêt est une expérience un peu surréaliste !
Sur l’île de Na Kampa, il y a un mur où chacun écrit ce qu’il veut faire avant de mourir. Poétique. Je constate avec déception que le musée bizarre que je souhaitais visiter est fermé à cause des dégâts importants subis pendant les inondations du mois dernier.
Vous aussi, faites votre whish list à Na Kampa !
Jeudi 27 juin
Au matin, je quitte Prague pour une ville à 75 km d’ici : Kutna Hora et ses mines d’argent. J’ai
me beaucoup le petit jingle précédent les annonces dans les gares. Il est tellement mignon que la première fois, j’ai cru que le personnel de la gare allait nous chanter une chanson.... J’aime beaucoup les trains tchèques : ils sont propres, pratiques et pas chers du tout. Et puis voyager seule en train vers l’inconnu, ça a un coté aventurier.
Pour aller de la gare au centre ville, il y a quelques kilomètres à faire à
pieds. Sur le chemin : l’ossuaire et la cathédrale Notre-Dame de l’Ascension et Saint John le Baptiste (eeeeeet...Oui ! Nous avons un gagnant pour le nom d’église le plus alambiqué ! Chouette!). L’ossuaire est un bâtiment très engageant, qui a la particularité d’être décoré intégralement avec... des os humains. (âmes sensibles s’abstenir). 40 000 morts en tout, montés en quatre pyramides, en lustre et en blason. La signification ? Soyez humble devant la mort car elle ne fait pas de distinction. Efficace, question « memento mori ». On ne peut s’empêcher d’être pris de respect par ses multiples restes macabres de ce qui fut avant des gens. Je ne peux m’empêcher, en regardant ces crânes empilés, de m’imaginer les émotions, les sentiments et les rêves qu’ils ont autrefois abrités. Et me dire qu’un jour, toute personne vivant aujourd’hui ressemblera à cela. Moi compris.
C’est avec ce petit frisson dans le dos que je traverse la rue afin de me rendre dans la très paisible cathédrale au nom à rallonge. Elle repose les yeux après les lieux saints de Prague : décoration très simple (pour ne pas troubler la prière) et grands volumes très lumineux. Ce que j’ai préféré : la possibilité de voir les combles ! J’aime beaucoup voir les voûtes à l’envers. De plus, être là me donne l’impression d’être privilégiée, de voir l’envers du décor. Ça sent le trésor du vieux grenier. Bref, un endroit cool.
Voici le joli plafond de la nef, pour vous remettre de l'horrible photo précédente. Ça va mieux ?
Pour midi, je m’achète un sandwich et un paquet de chips dans un supermarché, un lieu patrimonial et culturel. C’est d’ailleurs dans les rayons surchargés de marques américaines que je me dis que le communisme est bien loin.
Vers 14 heures, je pars à la recherche d’un filon d’argent dans les mines, vêtue d’une blouse de mineur et équipée de lampe à acétylène. Le guide est tchèque et parle tchèque. Heureusement, j’ai la visite en français sur un papier et je suis accompagnée d’un autre guide : une jeune femme anglophone. La visite s’effectue avec tout un troupeau de mini-Tchèques en voyage scolaire. Ils n’ont pas l’air bien malin (pas plus que la plupartdes adolescents moyen), mais leurs plaisanteries font rire la guide. Comme j’ai de la chance, elle me traduit leurs blagues en anglais. J’apprécie la chaleur de ces gens à 30 mètres sous terre. En remontant, ma guide me pose plein de questions sur Paris et la France et moi sur la République tchèque. Elle me dit que pas mal de jeunes visitent le pays en train, ce qui pourrait être un projet intéressant pour un futur voyage !
Kutna Hora est une jolie petite ville d’à peu près la taille de Conflans, colorée comme Prague. D’ailleurs, j’apprends que les deux villes étaient rivales jusqu’au XVe siècle. Cette rivalité expliquerait d’ailleurs la rue Barborska, sorte de balcon sur la vallée, bordée de statues ressemblant étrangement au pont Charles ! De là à dire qui a copié... Cette rue mène à la cathédrale Sainte Barbe, aux fresques du XVe siècle très bien conservées. Attendez... ENCORE une cathédrale ? Deux cathédrales pour une aussi petite ville ?!
Oh, aller, un seul petit effet Holga parmi toutes les photos de ce carnet de voyage, vous n'allez pas m'en vouloir, non ?
Sur le chemin du retour, je partage le compartiment du train avec un jeune guatémaltèque qui fait le tour du monde tout seul (respect) et un couple de suédois, moins aventuriers. Moi qui me la pétais... M'enfin, quand on connait mon caractère de Hobbit, on peut considérer que Prague, c'est le bout du monde. Surtout sans Gandalf.
Vendredi 28 juin
Je quitte Prague ce soir. Il fait extrêmement beau et, après avoir laissé mes bagages à l’hôtel, j’en profite pour aller visiter le plus ancien quartier de Prague : Vysehard. Selon la légende, la princesse Libuše, qui aurait eu le don de voyance, aurait eu la vision d’un laboureur à la sandale cassée appelé Přemysl Oráč, qui deviendrait le seigneur des Tchèques. La princesse se maria avec le laboureur, et, après avoir posé les bases de leur dynastie, décidèrent de construire un château entre une colline et une rivière, à Vysehard, qui serait le seuil de la nouvelle capitale des Tchèques. D’où le nom de la ville : Praha, venant du tchèque Prah : seuil. Une autre version de la légende (merci Internet) dit que la ville s’appelle ainsi car notre ami Přemysl premier du nom était en train de tailler un pas de porte quand Libuše lui est tombée dessus.
Vysehard est maintenant un parc très agréable, dans lequel les ruines et les vieux murs du château se recouvrent de lière, et...Oh putain, y’a des écureuils ! (photophotophotophoto...)
Sans déroger à la tradition, je visite un cimetière...Celui-ci, accolé à l’église, ne manque pas de charme. On y trouve des statuts bizarres comme au Père-Lachaise, entre les tombes de deux ou trois Praguois célèbres tels que Mucha ou Dvorak. (c’est d’ailleurs en cherchant ce dernier que je me suis rendue compte que Dvorak était sûrement le nom de famille le plus répandu du coin...). Les trois nefs de l’église Saint Pierre et Saint Paul voisines sont INTÉGRALEMENT recouvertes de fresques (pas un cm² delibre).
<= Don't blink...
Je dépense mes dernières couronne pour un plat de pâtes et un milkshake à la banane (fuck le goulash), profitant de la terrasse ensoleillée d’un petit restaurant donnant sur l’entrée du château-parc.
Me restant de l’argent et quelques heures avant mon décollage, ayant vraiment l’impression d’avoir fait le tour de la ville en une semaine et un peu désœuvrée, je me retrouve à l’incroyable musée des fantômes. Cet endroit ressemble aux vidéos weird que l’on trouve sur Youtube quand, par ennui, on clique un peu sur n’importe quoi. On en ressort en se demandant pourquoi on y est allé, mais on a bien rigolé quand même. Cette cave de Mala Strana recèle des trésors de monstres de foire en papier mâché dont même le plus ringard et mité des forains ne voudrait pas. Le visiter seul est encore plus bizarre, accentuant l’impression d’être décalée dans ce décors de maison hantée en carton. On n’a même pas l’excuse de le visiter pour rigoler avec des potes. Mais j’aime carrément cette impression de décalage. Surtout lorsque je me retrouve seule dans une cave avec le golem de Prague dont les défauts de fabrication sont à moitié cachés par une obscurité faussement inquiétante. Bref, un endroit à ne pas louper si on aime l’ambiance « parc d’attraction abandonné ».
Est il pas jovial, ce squelette ? ------->
En chemin pour le métro, je remarque un mur très haut, surmonté d’une étrange matière, me rappelant « les tas de boue dégoulinants que nous formions avec du sable mouillé sur la plage étant enfants, mon frère et moi ». Je me rappelle cet étrange agglomérat de sculpture aperçu de haut lors de ma première soirée dans cette ville qui m’avait tant intriguée. Finalement, j’ai fini par découvrir mon propre mystère praguois : il s’agit de l’imposante grotte artificielle du jardin du palais Wallenstein, actuellement Parlement tchèque.
Avouez que ça a une drôle de gueule, quand même.
En route pour l'aéroport, il est temps pour moi d'écrire une conclusion à ce carnet de voyage. Prague laisse une vague impression de décalage, d'étrangeté. Quelque chose qui envie de relire Kafka. Mais cette impression, je l'ai surtout ressentie en sortant des itinéraires touristiques, dans les ruelles et les passages couverts, face au étranges statues des cimetières ou dans des boutiques poussiéreuses et mal éclairées. Espérons que le tourisme de masse de viendra jamais à bout tout cela. En attendant, be curious !
Mes coups de cœurs, si vous avez la flemme de tout lire :
- La ruelle d'or du château
- L'ossuaire de Kutna Hora
- La maison municipale
- Le Clementinium (sa bibliothèque et sa tour astronomique)
- Le musée du communisme
New York Lucille's road book
Avant propos : en mars 2011, j'ai entrepris un voyage seule (accompagnée à l'origine) dans ce que je considérais comme la symbole même de la Ville : New York. Je voulais ressentir cette impression de liberté américain, de solitude au milieu de la foule, d'indépendance. Cependant, être seule ne veux pas dire ne pas partager ! Un carnet m'a accompagné durant mes errances à travers la grosse pomme. Certains d'entre vous ont déjà lu la version papier. Voici, deux ans après (Procrastination Man est mon ami), la version numérique ! J'espère que vous l'apprécierez !
Remerciements
Merci à Ludivine et Mélanie (éditrice de choc !) pour la correction de mes (nombreuses) phautes d'orthographes et de grammaire.
Merci aux rédacteurs du Routard 2011 pour m'avoir tenue compagnie par l’intermédiaire de leur bouquin.
Enfin, merci à F. et à M. pour m'avoir prouvé que l'on voyage mieux seule que mal accompagnée !
... Et surtout, merci à tous ceux qui partagerons mon voyage en lisant ce journal !
À écouter
Dire Straits : Brothers in Arms.
Bruce Springsteen : Paradise.
Simon and Garfunkel : The Only Liveng Boy in New York.
Canned Heat : On The Road Again.
Agnès Obel : Riverside.
Grand Corps Malade : Enfant de la ville.
Dropkicks Murphys : I’m shipping up to Boston.
À lire
Salinger : L’attrape-Cœur.
Tome et Gazzotti : Soda.
Miroslav Sasek : This is New York.
Carmen Martin Gaite : Le Petit Chaperon rouge à Manhattan.
Sempé à New York
Peter Brown : Le jardin voyageur
Will Eisner : New York Trilogie
Art Spiegelman : A l'ombre des tours mortes
À voir
Oliver et Cie (Disney).
The Fisher King (Terry Gilliam).
New York, New York (Martin Scorsese).
Manhattan (Woody Allen).
Hello Dolly ! (Gene Kelly)
Le podcast de Cyprien sur les états unis : http://www.youtube.com/watch?v=LtMS5eOOeQQ
Jeudi 3 mars : J-1
De la fenêtre du TGV Valence-Paris Gare de Lyon , je lis les guides du Routard de la grosse pomme en jetant un dernier regard à la campagne française.
Pour le voyage, j’ai emprunté à la médiathèque des disques que j’ai pensé bien correspondre à New York (sans les avoir écoutés ! Bravo moi-même !) :
l Une compile de Billy Holiday,
l Dire Straits : Brothers in Arms,
l Bob Dylan : Street Legal,
l Nico and the Velvet Underground.
En attendant, j’imite mon frérot en écoutant la traditionnelle musique de départ en vacances : On The Road Again en regrettant de ne pas avoir choisi un album de Canned Heat.
J’espère tenir la résolution que j’ai prise : tenir ce carnet de voyage !
Vendredi 4 mars
8 h : Dans l’avion !
Tout s’est très bien passé, les contrôles infernaux qu’on m’avait décrits n’ont pas été si terribles… À part une nana douteuse dont le bagage, enveloppé à même le chatterton, ressemblait étrangement à :
A : un sèche-cheveux géant,
B : une sifflateuse.
Bon, maintenant qu’on est dans cette boite en ferraille qui va survoler à des milliers de mètres d’altitude des milliers de mètres cube d’eau, mon voisin de fauteuil flippe. Je ne vois vraiment pas pourquoi. Philippe (notre commandant de bord) nous souhaite un bon voyage. Ah, ça y est, on bouge ! AAAAAAAAAHHHHHH (où est la ceinture ? Les masques à oxygène ? Le bateau en plastique ? Les toboggans ? LES PARACHUTES ?!)
Il est 10 h 55 heure française et j’ai, pour la première fois de ma vie, fait caca à 10 972 mètres d’altitude. Ouah, c’est beau, voyager.
6 h 20 (heure new-yorkaise) : mais… mais… mais pétard, c’est totalement IMPOSSIBLE de dormir dans un avion !
Ah, les turbulences, c’est marrant, surtout l’effet « montagne russe » SAUF QUAND ON ESSAYE DE DORMIR ! Bordel.
9 h 30 : Ouais ! On arrive bientôt ! On survole actuellement Boston. Depuis le Canada, tout est enneigé la dessous.
10 h 50 : premiers pas sur le sol américain. Et première file d’attente pour les contrôles…
13 h : Après un voyage en taxi très « rock » (au sens propre du terme : ça balance !) j’arrive enfin – très soulagée d’être encore en vie – à l’hôtel. Pour le moment, malgré la mauvaise presse qu’il a sur Internet, celui-ci est au-delà de nos espérances : bon accueil, chambre spacieuse et propre (malgré deux horribles tableaux de cerfs buvant dans une rivière pourpre dans un crépuscule… violet. Mais bon, les gouts et les couleurs… enfin, dans ce cas là, surtout les couleurs…).
Le taxi New-Yorkais, c’est une expérience à tenter… Tout d’abord, le taxidermiste... taxi-driver me racole en me sifflant… Tradition new-yorkaise ou foutage de tronche ??
Sinon, Brooklyn et la banlieue vers JFK, c’est… ben… moche. Comme en Angleterre ou au Canada, quoi, où un architecte = un quartier. Par contre, j’ai eu un premier aperçu de Manhattan et de ses hauts buildings, et ça, c’était cool. Petite réflexion mignonne en traversant Harlem : « Vous croyez qu’on va assister à une fusillade ? » Faut que j’arrête de lire la BD Soda.
13 h 30 - 16 h : Balade et course dans l’Upper West Side, le quartier « légèrement destroy » où se trouve notre hôtel. Normal, quelques rues plus loin, c’est Harlem. Voila pourquoi ce n’était pas cher, tout s’explique !
Trop fatiguée et trop peu habillée pour Central Park, je fais des courses dans une épicerie qui nous coûte au moins un bras et demi. J’hallucine devant les prix de la bouffe… Au passage, on a notre première expérience culinaire dans une pizzeria très bonne mais aux parts vraiment ÉNORMES.
Au vu de leur look, les New-Yorkais n’ont pas l’air de gens complexés : j’ai vu passer plusieurs fois des nanas avec un collant… Non, vous m’avez pas compris : avec SEULEMENT un collant.
J’ai pris des photos d’à peu près tout. Je pense qu’au 100e fire escape, au 300e taxi jaune et au 50e bus scolaire, j’aurai de quoi ouvrir un magasin de déco en France.
Samedi 5 mars
Levées à 7 h ce matin, merci le réveil de l’hôtel (couchées à 19 h la veille aussi, faut dire). P’tit déj à base de scones -pavés à la farine et jus d’orange-médicament. Direction Central Park où les écureuils ne sont pas tristes puisque nous ne sommes pas lundi. Ce parc est tout simplement IMMENSE, pas moyen de le traverser en entier dans le sens de la longueur en seulement une matinée !
Après 10 000 photos du même écureuil, je me suis vite rendue compte qu’ils sont aussi courants ici que les pigeons à Paris. Et tout aussi morfales. En tout cas, avec leurs potes émeus (ou simples oies), ils font le bonheur des nombreux chiens. Les New-Yorkais semblent adorer les chiens. Et le jogging, le parc est infesté de joggeurs le samedi. Ça donnerait presque envie de les suivre (mon dieu, c’est MOI qui dit ça ?!). Il faut dire qu’on est samedi et qu’il fait beau.
Le nord du parc est un peu craignos. J’y ai commencé notre parcours, sous un ciel chargé de nuages. Plus on descendait, plus le temps se levait et plus le parc devenait joli et peuplé. Moins glauque, quoi. Au milieu du parc se trouve un grand lac, qu’on appelle « le réservoir ». Je pense au héros de L’Attrape-Cœur qui se demande ce que deviennent les canards de Central Parc quand le lac est gelé. Oui, c’est vrai, ça, au fait ?
Près du réservoir, on trouve un pont très joli, féerique. Je crois l’avoir vu dans de nombreux films.
Il est 11 h 30 et je dois en être à ma 200e photo d’écureuil… Finalement, je quitte Central Parc (avant que ça ne vire en psychose façon Hitchcock) pour l’East Side. Les bâtiments y sont très massifs, aussi larges que hauts, tout en cette espèce de brique marron-rouge qu’on appelle « brownstone ».
14 h 16 : Après avoir cherché un Mcdo dans tout East Side, me voilà à Chinatown après mon premier voyage en métro. Affamée et assoiffée, ayant abandonnée ma quête avec force regrets, qu’ai-je vu en sortant du subway ?
JOIE !(Les miracles existent.)
Notez l’inscription en chinois sous l’enseigne… Tout est écrit en chinois ici.
15 h : On trouve de tout ici, pas que des trucs chinois (me suis achetée un lapin en jade très mignon), mais aussi vietnamiens, japonais, cambodgiens, coréens…
17 h 50 : Brooklyn Bridge à la tombée du jour. Je me sens vraiment à New York ici. Je réalise, quoi. Je réalise aussi le vent et le mal aux pieds.
Tous les buildings sont totalement démesurés. Le moindre petit machin fait au moins trois fois la taille de l’immeuble parisien standard.
Bon, du pont de Brooklyn, la statue de la Liberté est aussi petite qu’un porte-clefs à Chinatown, mais bon, c’est la première fois que je la vois ! Regarder Manhattan s’allumer alors que la nuit arrive en mastiquant un sandwich au plastique est le comble du dépaysement. La vue qu’on a du pont est surement la plus belle de New York.
19 h 35 : retour à l’hôtel les pieds en feu (je marche depuis 9 h ce matin). Se familiariser avec le plan de la ville et du métro demande quelques hésitations, mais l’adaptation est rapide. Sauf pour Lower Manhattan, parce que là bas, c’est vraiment le bordel. La flemme mortelle a, à présent, achevé mes envies de manger chinois. Maintenant, c’est l’heure de faire les comptes après cette première journée bien dépensée.
Dimanche 6 Mars
Levées à 6 h 45. Ben oui, forcément, chez nous, il est midi moins le quart… Je vais venir vivre ici, au moins, j’arriverai à me coucher et à me lever tôt.
Je ne peux m’empêcher de laisser une note sur un sujet qui me tient à cœur : la bouffe. Je me demande pourquoi les américains sont gros. Par désespoir ? Il y a plusieurs théories : la première, c’est qu’ils cachent le mauvais goût de leurs aliments sous des tonnes de sauces. La seconde, c’est qu’on est trop habitué à la bonne bouffe en France et donc, en comparaison, tout nous semble dégueu (pas chauvin). Mais pour le moment, moi, je ne théorise pas, j’ai juste le scone qui déprime. Je pense qu’il n’y a aucune loi aux USA qui oblige les fabricants de bouffe à dire la vérité : « all natural » my ass, le jus de pomme rouge fluo au glucose altéré. « Low fat » mes fesses, le thé à la graisse. Même les fruits ont un gout de médicament (auquel on s’habitue après quelques bouchées). En attendant, je survis grâce aux trois tablettes de chocolat géantes offertes par ma mère avant le départ (bénie soit elle sur cinq générations, que son nom brille au firmament des plus grands). Mais quel sera mon sort quand cette mince résistance se sera éteinte ?
7 h 50 : Mais qu’est ce que c’est que ces fenêtres américaines DÉBILES ?! Tout ce que j’ai réussi, c’est à me faire une triple luxation des bras. Et dans ma chambre, ça pue toujours le vieux camembert du fond du frigo. J’ai cru bon d’allumer le ventilateur pour … euh, ben… ventiler.
10 h : En me dirigeant vers Harlem, me voici sous la pluie, à l'université de Colombia. C'est drôle, tout ces monuments qu'on a pour habitude de voir dans les films et qui apparaissent pour de vrai ici.
11 h - 14 h : Mornigside et Harlem, sous la pluie, ce n'est pas très joyeux. Cependant, aujourd'hui c'est dimanche. Et qui dit dimanche dit messe gospel !
La première fois que j’allais à la messe ! Assez long, surtout quand on a la concentration d’un homard quand on écoute de l’anglais. Mais les chants et les réactions passionnées des ouailles face aux sermons passionnés du révérant valent le détour.
On entend tout au long de la cérémonie des thank you ! ou des pray Lord scandés par des fidèles à moitié en transe. La foi des gens de Harlem est impressionnante. Il faut dire que je me sens toujours impressionnée face à la religion. Bien sûr, il y a quelques touristes. Ils sont accueillis chaleureusement par un « bienvenue » traduit en toutes les langues. D’ailleurs, à ce moment, le vieil homme assis à notre gauche s’est levé, a pris mes mains dans les siennes, m’a bien regardée dans les yeux et a dit un truc du genre « I hope to see you in heaven ». O_o
Autre chose amusante pendant la messe : on fête les anniversaires en chantant le traditionnel Happy Birthday to You.
En sortant, j’ai mangé mon premier hot dog américain. Ben, comme le reste de la bouffe, pas très convaincant.
Après quelques courses où j’ai laissé encore derrière moi l’un de mes organes vitaux, j’ai quitté Harlem pour faire un tour à Chelsea dans les galeries d’art. La pluie est vraiment impressionnante et des éclairs commencent à zébrer le ciel. Heureusement, il y a le métro dans lequel il est censé faire sec. Sec ? Vraiment ?
Sinon, j’ai beau me la péter, ce n’est pas encore ça avec le plan du métro. Je devais me rendre à 23e rue. Brusquement, (je vois ou on voit ?) apparaître le chiffre 7. « C’est la 7e rue, j’ai loupé mon arrêt ! ». Je me précipite sur le quai pour me rendre compte que je ne suis pas à la 7e rue, mais à la 7e… avenue ! Oups, demi-tour…
Avant de continuer, il faut que je précise quelque chose à propos du métro new-yorkais : si, pour celui de Paris, la fermeture des portes s’effectue APRÈS un loooooong signal sonore, pour celui de New York, c’est juste un petit « ding dong » EN MÊME TEMPS que les portes se ferment… Et si t’es pas prêt, fuck la belette pour ta tronche ! On se demande d’ailleurs comment ça se fait que personne n’ait encore perdu un bras ou une tête avec ce système. Heureusement, les portes sont sensibles et se rouvrent au moindre blocage.
Voilà donc j’ai failli pas descendre au bon endroit et me paumer sans l’intervention du pied d’un gros gars noir et patibulaire qui m’a gratifiée d’un « It’s New York, girl ! Don’t be shy ! »
Enfin, à Chelsea, je n’ai finalement pas trouvé les galeries (trop de pluie, pas assez de visibilité), mais un magasin Lewis où j’ai fait ce que tout bon français débarqué dans la grosse pomme fait : j’ai acheté deux des célèbres jeans. Il faut dire que la différence de prix entre les deux pays doit tirer vers les 50 €, alors bon…
Je suis finalement rentrée à l’hôtel vers 20 h totalement trempée (trop de vent pour les parapluies !)…
Lundi 7 Mars
Le lundi, c’est musée Guggenheim. Les collections du musée ne sont pas très importantes (contrairement au MoMa, j’imagine), mais en fait, c’est le musée en lui-même qui est une œuvre d’art. J’avais écouté de façon blasée mes cours d’histoire de l’art sur Frank Lloyd Wright en me disant « de toute façon, je pourrai jamais y aller ! »… et m’y voilà !
On s’élève sur la rampe en colimaçon et en même temps, on survole l’histoire de l’art du début du xxe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale. La visite se termine sur les œuvres effectuées pendant la guerre, illustrant notamment la déconfiture des futuristes qui croyaient que la guerre allait « purger le monde des désirs matériels ». Ah ah ah… On termine la visite sur un tableau représentant des soldats aux douches, qui évoque bizarrement les évènements futurs de la Deuxième Guerre mondiale.
Des hordes d’enfants en voyage scolaire s’appliquent à croquer les œuvres exposées. C’est intéressant de comparer leur version et l’originale ! En tout cas, si je doute que cette méthode leur apprenne vraiment à dessiner, je pense qu’elle a au moins le mérite de leur apprendre à regarder une œuvre d’art.
Après une part de pizza énorme, je prends la High Line, une ligne de métro désaffectée reconvertie en promenade. Mais déception, ça s’arrête assez vite car tout n’est pas encore restauré (comme à Central Park, ce sont des bénévoles qui s’en occupent et d’ailleurs il y a l’air d’avoir une bonne ambiance !). Cependant, c’est une promenade très agréable, obligée de la faire dans les deux sens. La ville de New York a fait un beau cadeau à ses habitants en leur offrant cette espèce de jardin suspendu.
Descente à Greenwich village ensuite, un quartier très agréable (qu’on retrouve dans beaucoup de films aussi) où je déguste un smoothie bizarre (pineapple-coconuts). Je suis partagée entre le trouver bizarre-dégueu et bizarre-bon. Ce qui est dingue, c’est de voir que les New-Yorkais bouffent TOUT LE TEMPS…
Sinon, ça fait du bien de voir des maisons un peu moins hautes. Le quartier est très joli, très « anglais » avec ses petits jardins et ses petites maisons en briques rouges. Ça me rappelle un peu les villes du nord de la France, en fait. Dommage qu’on ne soit pas au printemps, les façades sont couvertes de glycines, qui doivent être vraiment magnifiques quand elles sont en fleurs.
Greenwich village, c’est un peu (beaucoup) le « marais » new-yorkais : il y a même une rue qui s’appelle Gay Street ! Une anecdote amusante concerne la place Saint Christopher : on y trouve plusieurs statues : les premières représentent des couples homos et la dernière représente un vieux général confédéré. Ce dernier prend bien soin de ne pas regarder les premiers, comme s’il se sentait gêné…
Au coin d'une rue, une drôle de rencontre. Disons que c'est étrange d'être venue si loin et de se retrouver au Rhône. Le monde est petit.
En rentrant, dans le métro, une armée de sectes distribue des prospectus annonçant la fin du monde. Ah ! Liberté de culte et de parole !
Mardi 8 Mars
Ce matin, j’ai pris le ferry pour Staten Island. Bon, il n’y a pas grand-chose à voir à Staten Island, mais c’est la vue sur NY qui est très jolie. La vue sur la statue de la Liberté y est incroyablement magnifique. Cette vue sur la statue, c'est la première chose que les colons voyaient des États Unis. Alors, autant que l’accueil soit grandiose ! De plus, chose rare à New York, la traversée est totalement gratuite.
Trop de monde pour la statue ! Je prends les billets pour demain matin, 10 h.
Un repas au Mcdo de Wall Street ensuite, qui est assez marrant : des panneaux y affichent les cours de la bourse en temps réel et une pianiste joue du jazz sur une mezzanine au dessus de la porte. Avec la déco des années 30, ça donne à l’endroit un coté rétro. Mon premier cupcake dans un Starbucks café après ! Je découvre qu’en fait, le beurre de cacahuète, ce n’est pas si dégueu. C’est même super bon.
La première chose frappante, quand on passe de Battery Park à Wall Street, c’est la brusque hauteur des bâtiments. En fait, on passe d’un espace très dégagé (le front de mer) à des rues bien plus étroites que les grandes allées parallèles du reste de l’île avec des immeubles au moins dix fois plus hauts que ceux de la Défense. J’ai lu dans un livre que la sensation d’écrasement décrite par de nombreux touristes est une légende. Ben, moi, en tout cas, je l’ai bien ressentie. En tout cas, une brusque sensation d’étouffement. Mais ça ne dure pas longtemps, à peine quelques secondes, le temps de la transition. Après, c’est plus la sensation d’être un petit insecte insignifiant qui prend le dessus. On comprend que King Kong et tous les délires de monstres géants soient nés ici…
Ce qui est drôle aussi, ce sont les différences de taille entre les bâtiments, notamment pour les églises, comme la Trinity Church devant Bank of America, ou pire, Saint Paul Church, devant le Ground Zero. D’ailleurs, parlons en, du Ground Zero : pas de quoi en chier un fromage. On s’attendait à quelque chose de grandiloquent sur les attentas du 11/09/01, genre des photos de gens morts, des reliques… En fait, le mémorial est tout caché. Il y a bien quelques objets trouvés, genre les uniformes des pompiers morts dans l’église St Paul, mais ce n’est pas grand-chose en fait. Une nouvelle tour est en construction, mais le guide du routard indique que l’avancée des travaux stagne. On dirait que les New-Yorkais veulent passer à autre chose.
Sinon, l’église Saint Paul est assez marrante : comme beaucoup d’églises new-yorkaises, elle a une façade gothique très noire, avec un petit cimetière assez lugubre, mais l’intérieur est bleu clair et rose bonbon… Le contraste est assez surprenant.
Je remonte Broadway pour voir City Hall : là aussi, le bâtiment est tout plat par rapport aux gratte-ciels. Les écureuils ne sont pas farouches ici. Ils viennent carrément vous bouffer dans la main. J’ai beau savoir que ce ne sont que des rats à la queue touffue, je ne peux pas m’empêcher de craquer totalement pour ces boules de poils si gracieuses pour sauter, grimper et agripper mon doigt pour voir si ça se bouffe, l’humain.
Ensuite, retour en bus à Chinatown où j’ai trouvé la réplique de la boite de bonbons du Tombeau des Lucioles pour 4 $. 4 $ !! Ça coute 15 € à Paris !!
Agréable surprise à l’Empire State Building : l’enfer de trois heures de queue annoncé s’est brusquement transformé en purgatoire de 10 minutes, avec les habituelles fouilles de sac à main et de chaussures (ils fouillent les chaussures ? Oo). M’enfin, je commence à être rodée, là. 21 $ l’entrée par contre : ce n’est pas donné ! Mais il faut dire qu’à New York, l’argent est roi. Arrivée en haut (enfin, au 86e étage), coup de cœur pour la vue. Je crois que je n’ai jamais rien vu d’aussi beau de toute ma vie. Toute la ville semble vibrer la nuit. On dirait un champ d’étoiles. J’en ai les larmes aux yeux (à moins que ce soit le vent…). Hélas les photos ne donnent rien : on sait (ou « je sais » ?) qu’on en trouve de très jolies sur Google images, mais ça n’empêche pas que c’est frustrant. L’immeuble en lui-même est très beau, mais sans plus. Les sols par contre sont magnifiques, ainsi que les ascenseurs en marbre. Difficile de revenir sur terre après ça !
ÉNORME salade à Times square pour me remettre de mes émotions. Super bonne , avec une sauce américaine sucrée, visiblement au miel. Le bar propose une connexion Internet. Je craque pour une demi-heure à 5 $ (le gros vol) et je profite des dernières minutes pour envoyer un mail à mes parents.
Balade à Times Square la nuit. Là aussi, moment magique ! Par contre, il ne faut pas être épileptique. La lumière des écrans géants donne l’impression d’être en plein jour. Sur un mur, il y a une vraie voiture collée à la verticale ! Et à l’intérieur d’un magasin, on trouve une vraie grande roue ! Avec mon nez en l’air et mon appareil photo, j’ai l’impression d’être une péquenaude débarquée de sa campagne.
En rentrant dans le métro, je me la joue New-Yorkaise en écoutant The Velvet Underground. Super chiant, je ne vois pas ce que Warhol leur trouvait, à ceux là.
Mercredi 9 Mars
Comme prévu, j’ai embarqué pour la statue de la Liberté et Ellis Island vers 10 h. Les contrôles de sécurité sont PIRES que ceux à l’aéroport. Un premier contrôle avant de monter sur le bateau et un second pour monter dans la statue, ce qui signe la perte déplorable de mes réserves de clémentines (rare moyen de subsistance hors resto digeste et diététique dans ce foutu pays).
Jolies vues sur Manhattan là aussi, mais qui ne valent pas celles du Ferry de Staten Island (vous vous rappelez ? Celui qui m’a couté un bras… Ah non, tiens, c’est un des rares trucs gratuits à New York).
Dans le piédestal, un musée retrace l’histoire de la statue. Un petit film explicatif passe en boucle avec en musique de fond la Marseillaise. Et oui, puisque la statue de la Liberté, made in France, représentait à l’origine l’amitié franco-américaine. Cocorico !!
Après la statue, la visite continue avec Ellis Island où l’on peut se la jouer immigrée polonaise arrivant aux USA. Le musée, qui est plus un mémorial qu’un musée d’ailleurs, est très émouvant avec son grand hall vide, ses malles entassées, ses photos d’enfants miséreux, ses reliques ramenées par les immigrants et oubliées sur place. En apprenant que 2 % de la population était refoulée à l’arrivée, j’essaye de me mettre à la place de ces pauvres bougres qui ont dû traverser un océan entier pour repartir aussi sec.
Ah, et bien sur, j'ai ABSOLUMENT tenue à être sur la même photo que madame Bartholdi.
Retour à la terre ferme. Direction Chelsea, à la recherche des galeries d’art pas trouvées dimanche dernier.
Je mange un bagel à Murray’s Bagels, conseillé par le guide du routard. MAIS C’EST QUOI LE PROBLÈME DES AMÉRICAINS AVEC LA BOUFFE ! À Valence, j’ai mangé de meilleurs bagels. À VALENCE, merde, le trou du cul du monde, je bouffe de meilleurs bagels qu’à NEW YORK ! (Il faut dire que les bagels du JLB à Valence sont très bons. Mais ce n’est pas le sujet).
Plus à l’ouest de Chelsea, après moultes pérégrinations, me voici enfin aux galeries d’art tant convoitées. En entrant, c’est un véritable choc. On atterrit brusquement sur une autre planète, peuplée d’objets et de gens étranges. Pétard, suis-je encore à New York ici ? La capitale mondiale du bruit et du bordel ?? La transition avec la rue est brutale. L’ambiance de ces petites galeries est vraiment curieuse : murs blancs, plafond haut où le moindre petit « atchoum » est amplifié par mille, petit mec derrière son comptoir dont on ne voit que le bout du nez qui dépasse… L’accueil varie selon les galeries : parfois très chaleureux, parfois totalement gelé. Les boutiques de fringues de luxe valent le coup d’œil aussi : elles ressemblent comme deux gouttes d’eau aux galeries : beaucoup d’espaces vides, blancs, épurés, et en même temps aux plans labyrinthiques. Mais put… C’est un MOUCHOIR à 140 $ ?!
Coup de foudre pour un objet absolument WEIRD dans la Gladstone Galerie : une espèce de parabole violette qui amplifie les sons et donne des effets visuels hypnotisant, surtout si on tourne autour.
Retour sur la planète Terre : traversée de Chelsea, qui m’évoque Greenwich village avec ses petites maisons, mais avec une ambiance différente, moins bourge, plus décalée avec ses statues contemporaines planquées dans les caves et les jardins. C’est vraiment un quartier d’artistes.
Après une petite marche (argh), me voici au Flatiron, le building tout plat, en forme de fer à repasser. C’est dommage qu’on ne puisse pas le visiter, je suis curieuse de savoir quel genre de meubles peut rentrer là dedans.
À Midtown, je fais un crochet par la Public Library. Comme quoi, même en vacances, je pense au boulot… Très grande, mais assez vieillotte, j’apprends qu’elle va bientôt être restaurée. Me suis faite rabrouer : pas le droit d’y prendre des photos ! Encore une règle débile, comme considérer une clémentine innocente comme une arme.
Au cœur de Midtown, je fais la connaissance de la très impressionnante gare de Grand Central, magnifique avec ses lustres en cristal trois fois plus gros que moi, toute plaquée de marbre, avec son plafond lumineux représentant les signes du zodiaque. Bref, ce n’est pas Saint Lazare, quoi. Beaucoup de gens pressés de rentrer chez eux dans le New Jersey ou dans la banlieue de New York côtoient (avec un certain agacement) les touristes-nez-en-l’-air.
Midtown ressemble un peu à Lower Manhattan, mais en plus « rangé ». Ce sont les deux quartiers à New York où les gratte-ciels sont les plus hauts, les deux centres névralgiques financiers. On y retrouve les sièges sociaux de nombreuses grandes entreprises, ainsi que celui des Nations Unis (que j’ai cherché sans succès pendant des plombes). Un des plus beaux bâtiments (et l’un des plus célèbres) est le Chrisler Building, dont on ne voit que le hall, tout décoré de fresques de type « art nouveau ».
Dans le métro, coincée entre un clochard qui pue atrocement et un joueur de trompette qui vocifère, dans une rame arrêtée depuis une demi-heure pour « problèmes techniques », un étrange sentiment d’ecmnésie me submerge. Ah, Paris…
Jeudi 10 Mars
Aujourd’hui, je viens de comprendre pourquoi il y a tant de musées dans cette fichue cité : la pluie new-yorkaise est capable de convaincre la plus endurcie des grenouilles de se mettre à l’abri. J’en profite donc pour aller à la rencontre du METropolitan Museum of Art, l’un des plus grands musées au monde après le Louvre (allons enfants de la patriiiiie) et le British museum.
10 h 30 : Je m’arrête trente secondes dans une grande salle surmontée d’une verrière dans l’aile américaine. Je ne parlerai plus « d’hégémonie » (ahah) du Louvre en matière de musée. Celui-ci est foutu bizarrement (on passe de l’art médiéval à la renaissance italienne sans transition), mais la muséographie est impressionnante : reconstitution de pièces entières dans l’aile « arts décoratifs », toutes petites pièces confinées ou gigantesques espaces ouverts… Dans certains endroits, on a presque l’impression que le feu va s’allumer dans les cheminées (garnies avec du vrai bois). En fait, ici, c’est le Disneyland des musées.
J’écris actuellement à côté d’une fontaine après avoir bu le contenu de ma bouteille d’eau pour ne pas qu’on me la jette à l’entrée. J’espère ne pas confondre les toilettes pour femmes avec une reconstitution de chiottes médiévales.
12 h : Une partie des réserves est accessible au public. Drôle de spectacle que ces cadres sans toiles.
13 h : J’écris depuis… le jardin de Versailles. Et ouais, devant moi, y’a le grand canal et derrière le château. Et oui, je suis toujours à New York. Et non, je n’ai pas accepté de pilules bizarres à Chinatown.
14 h : Là, je suis dans… un jardin zen japonais.
15 h : Face à moi, les portraits d’Ingres me regardent bizarrement. Mes pieds me supplient de faire une pause. Il faut dire que ça fait cinq heures que je suis dans le musée, sans avoir pris le temps de manger ! Mais y’a tellement de belles choses à voir…
17 h : Je profite de la dernière demi-heure d’ouverture devant les tableaux de Vermeer. En fait, je n’ai pas mangé de la journée, l’attention toujours attirée par quelque chose (et pour me faire détourner l’attention de la bouffe, faut le faire). Ce musée est vraiment immense, ce n’est pas une journée qu’il faut lui consacrer, mais plusieurs !
Vendredi 11 Mars
Ce matin, le soleil était revenu, ainsi que les T-shirts très courts des New-Yorkaises qui me font passer pour un ours polaire avec mes pulls méga couvrants. Profitant du beau temps, je décide de monter à Harlem à pieds. Après la traversée de Central Park, je me rappelle à quel point je suis une quiche pour évaluer les distances dans cette ville. Heureusement, un bus providentiel sauve mes pieds (déjà bien meurtris) du chaos et m’emmène au Graffiti Hall of Fame 2010. À cet endroit, on comprend que la ville a voulu légitimer le street art : les taggueurs les plus reconnus du moment viennent tagguer dans cette cour d’école. À certains endroits, la couche de peinture s’écaille et on aperçoit les couleurs des tags des années précédentes. C’est très coloré et mouvementé, mais on y trouve une sorte de morale bizarre qui ne fait pas très « bad boy », avec des messages du genre : « l’école, c’est bien »… Mais bon, on est dans une école, ne l’oublions pas.
Mon ami le bus m’emmène à la Frick collection, où je découvre un autre genre d’art. Cet hôtel particulier (c’est un musée dans une maison !) est tout plat et contraste avec les immeubles en pierre brune de l’East Side. J’ai plutôt du bol : en ce moment, y’a une expo sur Rembrandt.
Finalement, je repars un peu déçue par la Frick : après tout ce qu’on m’avait conté sur la richesse des collections, je m’attendais à un truc plus vaste, plus exubérant. Les commentaires audio sont totalement inintéressants (excepté le gars qui parle français avec un accent américain). Néanmoins, le jardin d’hiver est très beau. J’aimerais que le mien ressemble à ça (et ouais, j’ai un jardin d’hiver chez moi : ça vous en bouche un coin, non ? C’est pas super classe ?)
Je me fais New York en bus aujourd’hui. Notez que c’est bien plus agréable que le métro ! Au Chelsea Market, je mange un truc indien (en avant l’aventure !) qui s’est avéré être vraiment dégueu (en avant les toilettes !). En attendant l’ouverture du MoMa pour 16 h, je traine entre les gratte-ciel-montagnes de Midtown. Oh, tiens, les Nations Unies ! Elles étaient donc là ! Il fait un temps superbe et le bleu du ciel se reflète sur la façade du bâtiment. Ça donne envie de croire en l’avenir. Pendant trente secondes.
A 16 h, je suis face au Museum of Modern Art. Et j’ai déjà de la compote de coings en guise de pieds. Je regrette déjà mon humeur folâtre de la journée…
17 h : J’ai commencé la visite par le cinquième étage (enfin, quatrième puisqu’il n’y a pas de rez-de-chaussée ici) et j’ai été accueillie en grande pompe : première salle : La Nuit étoilée de Van Gogh, deuxième salle : Les Demoiselles d’Avignon, troisième salle : Le Ready Made de Duchamps. Ben pétard… L’audioguide est bien plus intéressant qu’à la Frick, mais hélas, tout n’est pas en français. De plus, j’ai un gros coup de fatigue, sûrement dû à l’accumulation d’œuvres d’art en deux jours… Une œuvre d’Andy Warhol a failli voir une Lucille endormie.
19 h : le musée ferme, je vais pouvoir récupérer ma carte vitale laissée en échange de l’audioguide (ils ne prennent bizarrement pas les passeports).
Bon, promis, après cette dernière remarque, j’arrête de vous parler de mes pieds, mais là, c’est vraiment atroce. Heureusement, les salles des musées américains sont équipées de nombreux sièges pour admirer les œuvres assis. Ce qui rend les œuvres assez hypnotiques d’ailleurs (petite expérience amusante : fixez un Malevitch pendant cinq minutes avec un décalage horaire et une semaine de marche urbaine dans les pattes…). Bizarrement, il est interdit de s’asseoir par terre, mais pas de s’accroupir. Dans la catégorie « règles débiles », on ne peut pas rentrer dans un musée avec de la boisson ou de la nourriture alors que sur place, de nombreux cafés et snacks en proposent (à prix d’or, bien sûr) !
Samedi 12 Mars
Le dernier jour est déjà arrivé. Je décide de quitter l’île de Manhattan pour Brooklyn. Arrivée au métro, je constate que cette entreprise va être loin d’être aisée. En effet, le métro new-yorkais n’est pas le plus pratique du monde. Comme je le disais plus haut, avec leur système « uptown-downtown », il est impossible de traverser Manhattan dans la largeur sans sortir du métro (y’a toujours la solution bus, à condition d’en avoir un !). Donc ce matin, deux magnifiques surprises : plus de métro entre la 96 th et la 145 th, et une carte de transport plus valable ! T_T Et oui, une semaine, ce n’est pas de samedi à samedi, mais de samedi à vendredi…
Enfin, je pense l’avoir pas mal rentabilisée cette semaine, cette carte !
Bref, me voilà à Brooklyn, près de Coney Island – fermé en ce moment pour rénovation (hélas) – pour la traversée du cimetière de Greenwood. Oui, je sais, je suis peut être déviante, mais j’adore les cimetières. Greenwood est l’équivalent new-yorkais de mon cher Père Lachaise point de vue taille. La première chose marquante est le majestueux et colossal portique gothique avec son horloge qui n’arrête pas de sonner lugubrement. Contrairement aux cimetières français, la concentration de tombes au m² est bien moins élevée ici. Ou alors c’est juste une impression due au fait qu’il n’y a pas de pierres tombales horizontales marquant la position des corps. Du coup, ça laisse beaucoup de place à la verdure et on ressent moins cette mélancolie froide qu’on retrouve dans les cimetières français. En hiver, l’endroit est un peu mort (désolée pour le mauvais jeu de mot) avec les arbres dénudés (qui laissent la vue sur Manhattan), mais en été, ça doit être très… bucolique ?
13 h : Après la traversée de Greenwood, me voilà à Prospect Parc, le Central Parc de Brooklyn. Le temps s’est couvert très rapidement. En juste une heure, on est passé d’un ciel sans nuages à un ciel tout gris. Je déjeune un truc indien super épicé. Je vais essayer de remonter Brooklyn, si ma vessie le permet.
13 h 30 : Fail. Truc indien : 1 ; toilettes publiques de prospect park : 0. Je me demande le nombre d’années de psychanalyse qu’il va me falloir pour refouler ça.
14 h 30 : Je me promène à travers Brooklyn. J’avais oublié à quel point les distances semblent courtes sur la carte et à quel point ce n’est pas le cas dans la réalité. Enfin, me voici dans un quartier nommé DUMBO (non, pas l’éléphant, mais « Down Under the Manhattan Bridge Overpass ») : sous le pont de Manhattan) pour voir les entrepôts abandonnés et reconvertis en galeries d’art. Finalement, je comprends qu’on puisse designer New York comme capitale mondiale de l’urbex (avec Paris) : même dans les quartiers les plus riches, on trouve des bâtiments abandonnés, des fenêtres murées, des devantures de magasins vides. Mais finalement, par ici, les entrepôts ont plus été reconvertis en logements de luxe avec vue sur Manhattan qu’en galeries d’art. Je suis légèrement déçue, mais j’aime bien l’effet que ça fait de passer sous les deux ponts.
16 h : Je m’offre une glace (bien méritée, j’estime) à la Brooklyn Ice Cream Factory. Selon mon ami le Routard, ces glaces sont de vraies bonnes glaces américaines bien crémeuses à souhait. En voyant la queue devant l’entrée du magasin, j’en déduis que toute la population américaine semble être au courant. En tout cas, le site est vraiment magnifique. Cette petite fabrique blanche et bleue ressemblant un peu à une petite église, se trouve presque sous le pont de Brooklyn, sur la petite promenade dont la vue donne sur Manhattan. De là, on a une superbe perspective, entre soleil couchant, lumière dorée reflétée par les tours de l’île et pont s’élançant, à la fois et majestueux, au-dessus de l’East River. Dommage pour vous, la batterie de mon appareil photo vient de rendre l'âme. Pour terminer cette journée, je reprends une dernière fois le pont de Brooklyn, gravant dans ma mémoire l'image de cette ville s'allumant.
Dimanche 13 Mars
C'est aujourd'hui que je reprends l'avion. J'ai l'impression que ma valise pèse 50 kilos (seulement 20 autorisé en soute ? Ahahah...), surtout lorsque je me rends compte qu'il n'y a plus de métro avant la 92eme rue (à environ 285675856586 km de l'hôtel).
En traversant la banlieue en train, un type louche cherchant à me vendre des DVD piratés me demande si je ne me suis pas faite violée durant mon séjour... Euh, finalement, je suis plutôt heureuse de partir, là, du coup.
Les formalités à l'aéroport passent comme une lettre à la poste. En attendant l'avion, j'en profite pour faire le point sur le séjour et me remémorer mes coups de cœur : la Hight Line, le pont de Brooklyn, le MET... Je ressens une certaine fierté à avoir réussi à me repérer et à vivre dix jours seule dans cette jungle, loin de ma famille et de mes amis, de l'autre coté de l'océan. Je compte bien revenir un jour, il y a tant d'autre choses à faire (nottament réaliser mon rêve de tour des USA façon Kerouac, dans un vieux van Volkswagen vert avec des fleurs, accompagnée d'une bande de hippies qui fument des joints).
PS : je viens de me rendre compte que le dernier mot de ce carnet de voyage est "joint". Alors, pour ne pas finir sur de la drogue, voici un mot plus perfectionné : "inexpugnable".