Verre poli

Verre poli

Deux théories SIC dans Doctor Who

 

 

Ceux qui me connaissent bien et ceux qui me connaissent moins savent qu'à certains moment, je peux être animée d'envahissantes obsessions pouvant pourrir la vie de mon entourage (désolée). Vous l'auriez peut être remarqué, l'obsession du moment porte du la série de SF anglaise Doctor Who.

Parallèlement, je me suis retrouvée cette année avec un mémoire de recherche, normalement réalisable en deux ans, à faire en seulement une année. Je partage donc mon temps entre ma série de science fiction préférée et les théories SIC (sciences de l'information et de la communication, mon domaine d'étude) portant sur l'intelligence collective, l'auto-organisation des collectivités et l'intrusion de la technique dans notre façon de penser. Lorsqu'on a tous ses neurones disponibles utilisés par deux univers différents, on ne peut s’empêcher par voir des ponts entre eux. Découvrez donc, aujourd'hui, deux théories SIC grâce à l'univers du Docteur !

 

Cybionte et Oods

 

Dans L'homme symbiotique, Joël de Rosnay invente le concept de CYBIONTE (mélange des mots « cybernétique » et« biologie »). Le cybionte serai un organisme planétaire dont chaque cerveau humain serai les cellules, les neurones. Un cerveau géant, en quelque sorte, d'où émergerait une conscience et une intelligence collective. Évidemment, il s'agit d'un concept abstrait. On retrouve cette idée en Cybernétique (le mouvement scientifique qui étudie le fonctionnement des systèmes par l'étude des relations et des interactions) : un esprit humain ne fait sens que lorsequ'il est connecté. En effet, parler tout seul ne sert à rien. A partir du moment que l'on communique (et, selon l'école de Palo alto, il est impossible de ne pas communiquer)

 

 <-- Photo : les créatures de Doctor Who ont la particularité d'être à la fois super moches et en même temps trop mignonnes.

 

Chez les Oods, on trouve trois cerveaux, dont deux individuels. L'un est le centre moteur (dans la tête), l'autre le centre des émotions et du libre arbitre (dans la main : . Le troisième est une ÉNORME et unique cervelle, qui permet aux Oods de synchroniser leurs chants et d'agir collectivement comme un seul organisme, afin d’atteindre l'harmonie.

Je n'ai pas trouvé de photos du cerveau des Oods, alors pour me faire pardonner, un lien vers une chanson mignon, parlant de Oods courants dans dans la neige, le cerveau dans la main : 

 

Chez les Seigneurs du temps, on retrouve aussi une sorte cerveau collectif, à la différence qu'il s'agit plus d'une base de données géante que d'un élément émetteur d'une pensée unique. « Ça, c'est le lien des réflexes, par lequel je peux me régler dans l'intellect des Seigneurs du Temps. Mille-super cerveaux en un seul. », dit Tom Baker, quatrième docteur, dans l'Arc des classiques intitulé The invisible ennemy. (Pas de bol pour lui, son exil sur terre suite au vol du Tardis l'a coupé de toute connexion avec le cybionte.)

 

Cybermen et Transhumanisme

 

Il y a beaucoup à dire sur le transhumanisme, mais, en gros, il faut savoir que ce mouvement culturel et intellectuel est née en 1957 sous la plume de Julian Huxley (le frère d'Adouls, vous savez : Le meilleur des mondes...). Les adeptes du mouvement propose une nouvelle humanité (humanité 2.0 ?), augmentée grâce à la technique : un Homme parfait, débarrassé de ses faiblesses. Les machines, remplaçant notre chair putrescible, nous permettraient non seulement de vivre beaucoup plus longtemps (voire éternellement), mais aussi de transcender la douleur, de guérir les maladies, d'oublier les handicaps... Ça ne vous rappelle pas quelque chose ?

 

John Lumic, le créateur des cybermen. Au stade final d'une maladie le clouant sur un fauteuil roulant, il se sert de la technologie dans l'espoir d'allonger la durée de sa vie et d’apaiser ses souffrances...

Au final, il invente ce qu'il appelle une "humanité 2.0", ce qu'on appelle aussi aujourd'hui "homme augmenté". Ca commence par une sorte de téléphone, en forme d'oreillette, portée comme un bijoux, synchronisant l'humanité sur un flux d'actualité, directement branché au cerveau et ça termine sur des corps en métal, dont l'enveloppe charnelle a été brulée pour ne conserver que le cerveau (et encore, ils auraient pu le remplacer par de la résine, comme l'a fait ce scientifique timbré).

L'Homme : le nouvel iPhone. Cool, non ?

 

Abordons à présent le sujet des cyborgs. Par des cyborgs de science fiction, non. Des VRAIS cyborgs. Non, je n'ai pas définitivement tourner la carte, avant de m'interner, laissez moi vous parler d'un personnage assez fantastique, qui pourrait tout aussi bien sortir d'une BD de SF : Steve Mann. Fièrement autoproclamé "cyborg", ce mec vit depuis 1995 avec 24h/24 un ORDINATEUR CONNECTE A SON CERVEAU, analysant ses rythmes biologiques et un écran lui bouchant la vue d'un œil (sorte de Google glass avant l'heure), lui reconstituant une réalité augmentée, filmée par une petite caméra.

 

 

 

 

 

 

Il faut le reconnaitre, il a l'air plutôt bien cinglé.----------->

 

 

 

 

 

 

Pour lui, l'homme doit trouver dans la machine, et notamment dans l'ordinateur, un allié, un tremplin afin d'augmenter son intelligence, affiner sa pensée, aller plus loin dans la Science. (c'est beau, c'est technophile, c'est plein d'espoir, n'est ce pas ?)

Bref, il m'a rappelé la phase intermédiaire entre l'Homme et le cybermen : la petite oreillette (mais une oreillette gentille !)

 

Sauf que bon, elle est bien jolie et bien mignonne, la vision technophile de Mann, mais le monde des cyborgs de Doctor Who, c'est pas celui des bisounours. Et depuis quelques années, pas mal de chercheurs ont réfléchis aux limites du transhumanisme. Howard Rheingold (un sociologue américain, plutôt technophile d'ailleurs, qui a livré un travail passionnant sur le phénomène des smarts mobs), se demande justement quelles limites imposer à cette intrusion de la technique dans la chair, craignant que l'homme-machine n'en soit justement plus un, d'homme.

Dans la même idée, Heidegger (un philosophe allemand du début du XXeme siècle) pensait que la technologie résultait de la volonté humaine à vouloir transformer le monde en ressources exploitables. Joseph Weisenbaum (un informaticien germano-américain, inventeur d'un programme pouvant être considéré comme le premier bot) va plus loin en affirmant que connecter les tissus nerveux de créatures vivantes aux machines serait une abomination : en effet, penser les problèmes humains comme informatisables serait un premier pas vers la transformation de la pensée humaine en matériel "exploitable", et donc pragmatique (dans le sens "orienté vers un but"). Où serait la place de la fantaisie dans tout cela ? De l'art et surtout... de l'émotion ?

 

 

PS : A contrario,  on trouve Andy Clark (un philosophe contemporain anglais), qui explique que ces débats sur les cyborgs sont stériles, car si le cyborg se défini comme l'humanité augmenté par la technique, nous sommes des cyborgs depuis que nous avons eue l'idée de nous servir d'un outil. Alors lâchez facebook, bande de cybermen, et partons vivre dans des troglodytes élever des chèvres, comme je l'ai toujours dis !

 

En bonus, une vidéo dans laquelle des "virtuals cybermen" envahissent facebook. Vous n'oserez plus jamais poker quelqu'un :


A lire : un article sur la philosophie dans Doctor who (en anglais)
RHEINGOLD Howard. Foules intelligentes : la révolution qui commence, éditions M2, 2005
DE ROSNAY, Joel : L'homme symbiotique, Le Seuil, 2000
Et son blog

A écouter : une émission de radio (datant un peu), résumant bien le mouvement post et transhumaniste : Exocet  (écoutez cette émission ! C'est super et on découvre des tas de choses sans se prendre la tête !)





04/03/2014
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi